Mot d’introduction à la journée « Psychodrame, transmission, institution » du 2 décembre 2023. Pascal Graulus, président de l’ABP.
Les 3 thèmes du titre de la journée sont, au jour d’aujourd’hui, fondamentaux.
Le psychodrame d’abord. C’est ce qui nous rassemble. C’est ce que nous avons reçu en héritage de nos formateurs, formatrices, de notre travail thérapeutique, de nos lectures, et qu’il nous importe de faire fructifier. C’est un bien précieux, un trésor.
La transmission. Transmettre ce bien à d’autres, des collègues, les patients, le grand public. Par tous les moyens. Des groupes thérapeutiques, des groupes de sensibilisation, du psychodrame individuel ou de groupe, des supervisions, des formations et même des journées d’études.
Et bien sûr, ce mouvement de transmission se situe dans une tension entre « conserver » (mais attention aux « conserves culturelles » dont parlait Moreno) et innover (mais gare au « n’importe quoi »!). En transmettant, il s’agit de rassembler sans uniformiser. Il s’agit de ne pas rester seul : c’est un état dangereux de rester seul. On a besoin de se rencontrer, de discuter, de confronter les idées, les points de vue. De voir et de dire comment on fait du psychodrame et d’essayer, et c’est bien compliqué, de parler pour dire aussi comment on le pense.
Ne pas rester seul ! Le COVID malgré tous ses déboires nous a ouvert aux échanges, aux visioconférences et même, après, aux voyages. Dans les années à venir, il me semble important que les rencontres embrassent l’espace francophone. Un certain espace est très proche : France, Belgique, Suisse. Un autre un peu plus lointain : la francophonie québéquoise, la francophonie africaine…
Et puis, on peut aussi passer la barrière des langues. C’est ce qu’a fait notre collègue Agathe Crespel en nous invitant à aller voir du côté italien ce qui se faisait et ce qui se pensait en matière de psychodrame.
Et puis transmettre, c’est aussi, hors de la présence immédiate, penser, laisser mûrir puis écrire. C’est là qu’il faut saluer le travail de Bernard Robinson, depuis des années qui invite à voir les spécificités du psychodrame, sans tout de suite lui accoler l’adjectif « psychanalytique ». Comment au contraire penser les articulations, les aller et retour entre psychodrame et psychanalyse ? Ou comme tu l’as proposé plus tard, en 2016, avec Anne-Sophie Alardin et moi, de penser jazz, psychodrame et psychanalyse. C’est là qu’inviter Corinne Gal, c’est encore inviter à réfléchir le psychodrame comme « une expérience aussi forte que la vie » avec les référents de la phénoménologie clinique. Entre autres. Je m’en voudrais d’oublier notre collègue Jaques Michelet. Notamment autour de ses réflexions autour du psychodrame et du handicap mental, et plus dernièrement avec son ouvrage : « Prendre soin de soi et de l’autre en soi ».
L’institution enfin.
Pour cette transmission on a besoin d’un véhicule : les institutions.
Bien sûr le psychodrame, en soi est ce qu’on peut appeler un institué. Il est là, avec son poids d’histoire.
Mais créer des groupes momentanés, ou moins momentanés comme l’est notre Association belge de Psychodrame, c’est chercher à ce que cet institué puisse rester une force instituante, vivifiante, dynamisante.
Pour cela, dans de nombreux cas, on a cherché à appuyer le psychodrame sur des institutions de soins.
Appuyer peut-être même l’un contre/avec l’autre. Pas facile. Car s’appuyer, ce n’est pas phagocyter ou contrôler. C’est chercher à ce que le meilleur de l’un puisse féconder le meilleur de l’autre.
Quand on sait comment aujourd’hui avec les dérives néo-libérales, la financiarisation de tout acte (cfr le scandale ORPEA), fût-il un acte de soin, le contrôler bureaucratique, les normes stérilisantes « Evidence-Based et DSM, j’en passe et des meilleures), combien donc la fécondation vivifiante est un sacré défi. Le défi via l’éclairage modeste que nous pourrons en donner aujourd’hui, c’est :
- de clarifier les conditions de possibilité de cela et
- de tenter de continuer ou d’instituer des exériences innovantes et créatives.
A ces conditions, peut-être, on peut l’espérer : les institués continueront à être questionnés et bousculés par les forces instituantes, et les institutionnalisations resteront des processus ouverts, boucles de dialogue à l’infini.
Je vous souhaite une excellente journée.